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Photo du rédacteurYOURI MOUGEL

Les biais cognitifs dans la prise de décision


Les biais cognitifs, vous en entendez parler partout. Ils sont le nouveau sujet de tous les cabinets de conseil, de coaching, de formation. Toutes les revues spécialisées ont sorti un numéro sur le cerveau et les biais cognitifs depuis 1 an... Concrètement et simplement : de quoi s’agit-il ? Les biais cognitifs sont des « raccourcis » de pensée que nous avons tous et toutes, des préjugés qui biaisent nos raisonnements. Impossible d’y échapper ! c’est comme cela que notre cerveau fonctionne pour automatiser de nombreux processus de réflexion. Et heureusement qu’ils sont là pour nous faciliter le quotidien ! Imaginez que nous devions être en vigilance permanente, dans l’ensemble des actions que nous conduisons dans la journée, sans aucun automatisme de pensée ... Nous serions épuisés et très peu performants. En 2011, Daniel Kahneman, psychologue et économiste, prix Nobel d’économie en 2002 pour la théorie des perspectives, nous explique comment fonctionne notre cerveau lorsqu’il pense et prend des décisions (1). Il décrit deux systèmes de pensée : - Le premier très rapide, intuitif fonctionne sans même que nous en ayons conscience. Nos impressions, nos pensées, sont évidentes et nos actions induites nous apparaissent comme logiques et rationnelles. - Le second plus lent, plus réfléchi, est celui qui nous permet d’être vigilant, de surveiller, vérifier ce qui se passe, mais il est plus couteux d’efforts. Nous le mobilisons lorsque nous faisons face à un apprentissage nouveau, complexe, lorsque nous avons des enjeux, des risques élevés. Super ! me direz-vous : nous avons donc deux systèmes très complémentaires ! Oui, et en plus tous les deux fonctionnent en permanence !

Mais où est le problème ? Et bien voilà, notre système 2 pourtant vigilant, est aussi très, très paresseux et laisse le système 1 décider pour nous... Tant que rien ne l’alerte vraiment, c’est le système 1 qui décide de nos pensées. Or celui-ci pour aller vite, catégorise, simplifie, fait des liens de cause à effets, s’appuie sur notre mémoire associative, et sur ce que nous croyons voir/entendre. Il prend des « raccourcis », il donne du sens aux données contextuelles : il interprète pour nous ce qui se passe et nous livre une histoire très cohérente à laquelle nous croyons. Et nous y croyons en toute bonne foi puisque qu’il travaille sans que nous nous en rendions compte. Et c’est bien là qu’entrent en scène les fameux biais cognitifs .... Nous n’avons aucun moyen d’y échapper. Sujets d’études nombreuses, plus de 200 biais ont été répertoriés et catégorisés. Vous en connaissez certains parce qu’utilisés en marketing et en technique de vente (2) et souvent cités et expliqués dans les formations au management, sans oublier les célèbres nudges qui réveillent notre vigilance dans l’espace public. Voici quelques biais que vous connaissez :

  • - Le biais d’amorçage qui nous fait regarder un objet uniquement à travers le filtre qui a été activé préalablement. Il est utilisé notamment en publicité : on fait passer un spot lié à la sécurité avant un spot pour une voiture. Et voilà le système 1 associe immédiatement les deux sans même que vous ne vous en rendiez compte, et la voiture est immédiatement associée à des caractéristiques de sécurité.

  • - Le biais de primauté qui est le fait de rester focalisé uniquement sur les premières informations reçues d’un objet, d’une personne, afin de s’en forger une opinion, et de négligé les informations reçues ensuite à son propos. Le fameux adage « la première impression est toujours la bonne », encore un tour de notre système 1.

  • - L’effet de halo se manifeste lorsque nous évaluons positivement ou négativement une caractéristique donnée à un objet, une personne, une organisation, et que nous nous mettons alors à penser que ses autres caractéristiques (que nous ne connaissons pas) sont elles aussi positives ou négatives. C’est exactement ce qui nous arrive quand nous imaginons des qualités personnelles positives (compétence, rigueur, performance, ...) à une personne sortie d’une École prestigieuse, sans même la connaitre. Voilà pourquoi une vigilance extrême tant sur le processus que sur la diversité des profils est indispensable en matière de recrutement. Qu’ils soient biais de raisonnement, de jugement, d’attention, ..., ils interviennent dans l’interprétation des situations que nous vivons et de fait dans nos prises de décision. Alors que faire ? En être conscient est certes important mais pas suffisant ! Car comme notre système 1 fonctionne sans même que nous nous en rendions compte, nos biais nous échappent ... C’est bien dans l’action que nous devons réveiller notre système 2, tient tient tient .... c’est aussi par l’action que l’on conduit le changement, non ? Ainsi lorsque vous devez prendre une décision importante : imaginez des questions qui permettent de traquer les biais les plus courants, faites-en une liste que vous pourrez explorer vous-même, ou poser à votre équipe, par exemple :


Objectiver les informations : Comment les données ont-elles été obtenues ? est-ce des estimations ? sur la base de quel scénario ? Demander des données complémentaires, des benchmarks sur plusieurs années, sur plusieurs projets similaires. Sortir du choix binaire : D’autres alternatives crédibles ont-elles été envisagées ? Diversifier les points de vue : Existe-t-il des avis divergents que vous avez écarté sans les explorer ? lesquels ? sur quelles bases ? Traquer les affects, les excès de confiance : Le porteur de projet a-t-il un intérêt, une motivation personnelle, dans l’option proposée ? Est-il trop optimiste ? trop pessimiste ? Imaginez le scénario du pire : Imaginez-vous 1 an plus tard : le projet a échoué : que s’est- il passé ? (Méthode du pré mortem) Vous n’échapperez pas à tous les biais mais en combinant de façon méthodique et systématique vigilance et action correctrices vous diminuerez les risques. Je vous invite donc à être vigilant : tout prestataire qui ne ferait que vous « parler » des biais cognitifs sans vous inviter à les intégrer réellement et concrètement dans vos actions, notamment dans vos systèmes de décision ne ferait que du « Biais Washing ». C’est pourquoi j’utilise dans mes coachings une méthode permettant de faire un diagnostic sur les principaux biais cognitifs auxquels les personnes sont vulnérables (Méthode Chrysippe (3)). Je propose ensuite de travailler avec la personne coachée pour identifier en quoi ils impactent les interprétations des situations auxquelles elle a à faire face, en quoi ils viennent renforcer des croyances inappropriées qui la bloquent dans l’atteinte de ses objectifs et surtout comment elle peut les intégrer (pour élever son seuil de vigilance) dans la mise en œuvre d’un plan d’actions correctrices en lien avec la finalité de son coaching. Actions qu’elle identifie, teste, évalue pendant toute la durée de son accompagnement. è Les personnes établissent ainsi leur carte de vigilance personnelle dans leur processus de décision.

Sandrine Vincent Octobre 2021 (1) : Kahneman D. (2011). Système 1 Système 2, les deux vitesses de la pensée. Paris : Flammarion (2) : Joule, R.V. (2014). Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens. Grenoble : Presses universitaires de Grenoble (3) : Pichat M. (2015). Changer et coacher avec les matrices cognitives. Paris : InterEditions

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